Cette 45e édition du salon Rétromobile marque-t-elle un tournant pour le prestigieux rendez-vous parisien ? Ses premiers supporters sont en train de passer le relai à une génération de collectionneurs et amateurs plus jeunes.
Ces derniers trouveront-ils les mêmes pépites dans le salon actuel ? Décryptage des tendances de la collection automobile à travers l’offre de voitures présentées au salon.
S’il fallait avoir la flamme pour acheter au début des années 70 une vieille Bugatti de course, une Delahaye défraîchie ou un ancêtre à remettre sur ses roues, il était en tous cas possible de dénicher pour une poignée de francs de véritables témoignages de l’histoire. Ces raretés, amoureusement conservées, restaurées pour la plupart, font aujourd’hui le patrimoine de leurs heureux possesseurs qui n’auraient pas parié sur une ascension pluri-millionnaire. Certains se retrouvent au seuil de leur vie avec des collections bien encombrantes pour des familles pas toujours à même de prendre la relève. Ces raretés produites en dizaine ou centaines d’exemplaires ne seront jamais trop disponibles pour voir leurs prix titillés par le marché. Il n’en est pas de même pour les autos de plus grande série, nombreuses en bel état de restauration et qui n’intéressent pas les nouveaux collectionneurs. Cherchez dans les catalogues des trois maisons d’enchères présentes à Rétromobile des populaires des années 30 à 60, vous n’en trouverez quasiment pas ! Alors pour séduire des visiteurs qui sont désormais nés dans les années 70, 80 et 90, Rétromobile mise sur la diversité en proposant des autos plus récentes et plus accessibles. Mais cela suffit-il ? Du très beau très cher, au moyen prêt à rouler, suivez le guide !
80 Millions d’autos aux enchères, et moi et moi et moi…
Avec un peu plus de 330 autos présentées par Artcurial, Bonhams et RM-Sothebys, cette semaine de ventes s’annonce comme chaque année prolifique. Si l’on en reste aux résultats précédents, cela représente un potentiel de vente autour de 80 millions d’Euros, quand bien même un bon tiers risque de ne pas être adjugé. Si les prix de réserve restent encore la pratique courante sur les lots élevés, on constate à côté des autos rares offertes sans réserve. Comme ce coupé Ghia 1500 GT chez Artcurial.
Les autos récentes relevant des vendeurs d’occasion et les youngtimers surévaluées ont pratiquement disparues des tapis de vente. Tant mieux car ce n’est pas la vocation des enchères d’écouler les stocks peu liquides des marchands. Quand elles y figurent c’est par un état véritablement exceptionnel. Lancia Delta HT Integrale, Alpina C1, Golf 1 GTi, Venturi 400 GT ou Maserati 4200 chez Artcurial sont les dignes rescapées. Quelques belles Alpina également chez RM-SOTHEBYS : une B7S Turbo sur base de Série 5 e12 estimée à plus de 130 000 € (un modèle identique avait été vendu 138 000 € l’a dernier !), ou plus de 300 000 € pour la B12 5.7 sur base Série 8.
Est-ce bien raisonnable pour ces machines certes rares en nombre mais visuellement si proches des BMW dont elles dérivent ? Reste que pour garantir le chiffre d’affaire, les trois maisons ont massivement parié sur la grande carrosserie d’avant-guerre (Alfa Romeo 6C, Bugatti, incroyable Mercedes 710 SS, Delahaye 135 dans toutes leurs déclinaisons…).
Les gros tickets millionnaires des sixties sont moins représentés que par le passé, notamment la Mercedes 300 SL Gullwing qui plafonne depuis un certain temps. Le catalogue de Bonhams reste le plus « fourre-tout » des trois, avec aux côtés des pièces exceptionnelles comme cette Invicta 4 ½ Litre Type S 1931 en état non restauré et gagnante de concours. Quelques pièces uniques récentes, autos « one-off » de salons ou carrosseries spéciales comme la BMW-Glas 3000 V8 prototype par Frua de 1967 avec ses faux airs de Maserati Ghibli, ou plus récemment le Zagato Mostro de 2016, clin d’œil à la Maserati 450. Assurément des autos qui ont leur place dans la vente. Quant au cabriolet Golf (ex- Pierre Boulez), la 635 CSi automatique US ou à l’ Alfa Romeo GTV6, ils seraient peut-être plus à leur place sur le Bon Coin qu’en scène au Grand-Palais ?
Supercar millionnaires, attention le panneau est gros !
Les millionnaires récentes se font poussives. Artcurial tente une Ferrari F40 estimée à 1 million d’euros. Ce sera un bon test car les dernières se sont vendues juste en dessous, ou pas du tout. Du côté des plus récentes, la Jaguar XJ220 fait un timide retour avec plusieurs exemplaires route ou course dont un de moins de 1000 km visiblement conservé au sec. Bonhams en a vendue une 299 000 € en 2016. Les 275 exemplaires construits partaient difficilement neuf à 3,5 millions de Francs en 1992 (532 000 Euros), et la production a été arrêtée avant d’atteindre les 350 prévus. Cette XJ220 est assez symptomatique de la supercar qui n’a finalement pas eu les super performances financières escomptées. En tous cas pas pour ceux qui ont encore leur exemplaire d’origine et peuvent attendre longtemps avant de rentrer dans leurs fonds.
La Mercedes SLR Mc Laren est une autre candidate. Un peu plus de 1700 exemplaires produits (2004-2006) pour un prix de vente neuf de 350 000 euros. Une cinquantaine d’exemplaires sont en vente en Europe chez les spécialistes haut de gamme. Un très bel exemplaire visiblement coûteusement entretenu chez Mercedes pointe son nez chez Arturial avec une estimation à +200 000 €. Sur les dix dernières présentées aux enchères, trois ont trouvé preneur.
Mais c’est assez logique si l’on reprend le cycle de vie d’une 300 SL Gullwing par exemple : 30 ans après son extinction, une 300 SL en excellent état ne cotait que 115 000 € si l’on reprend les archives LVA !
Tout cela nous rappelle qu’une auto est avant tout faite pour servir, et que si rapport financier il y a, c’est le temps qui en décidera !
Petites bourses, suivez le guide, Catawiki est avec vous !
Donc si comme 99,9% des visiteurs vous n’êtes pas prêts à faire un dépôt de 340 000 € (ticket moyen d’achat d’une auto aux enchères calculé sur la base des ventes passées des trois maisons !), tournez-vous vers le pavillon 3 pour découvrir « L’affaire du siècle : des voitures de collection à moins de 25000 euros au salon Rétromobile 2020 » (dixit le site web de l’organisateur).
Autant le dire tout de suite, nous n’avions pas été séduits par l’offre faite sur cet espace l’an dernier. Trop d’autos rapidement dédouanées en provenance US, fraîchement dépoussiérées et encore présentées avec leurs gros pare-chocs. A des prix certes sous les 25 000 euros, mais trop élevés au vus de leurs états. C’était plutôt du côté des particuliers qu’il fallait dénicher l’oiseau rare, il y en avait quelques-uns.
Cet espace semble désormais être le règne de Catawiki, la plateforme de vente Néerlandaise qui grapille chaque année un peu plus sa légitimité dans le monde des enchères en ligne. Leurs experts pourront même vous accompagner à la recherche de la perle rare. Si, si, suivez le guide !
Souhaitons que cette offre soit de belle qualité et à des prix de marché corrects, même s’il reste difficile d’acquérir une auto sur un salon sans pouvoir la tester en dynamique et s’assurer de son correct fonctionnement.
Pour ses 45 ans, Rétromobile essaie de prendre le virage du salon marchand pour toutes les bourses. C’est qu’en Allemagne (Essen) ou Italie (Padova) les salons classiques sont également de larges places de ventes de véhicules anciens pour tous les prix, avec des centaines de modèles prêts à partir. Si les maisons d’enchères traditionnelles ne sont pas adaptées à diffuser cette offre en mode lowcost, de nouvelles structures comme Catawiki prennent le relai. Avec des frais réduits et des véhicules exposés sans décoration au ras de la moquette, ils tenteront aux côtés de professionnels de la vente et de quelques particuliers, de séduire les acheteurs potentiels. Reste qu’il n’est pas évident de réussir – en plein Paris – le pari de diversifier un salon comme Rétromobile, avec un coût d’exploitation élevé et un accès de plus en plus rédhibitoire pour les automobilistes !
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Maignant Patrick (mardi, 04 février 2020 05:53)
Très bonne lecture...
Pascal Binnert (mardi, 04 février 2020 21:58)
Merci pour cette analyse tres pertinente avant l'ouverture des portes du salon.
Étant de la génération de collectionneurs à venir qui ne mettra jamais plus de 50k€ je suis curieux de voir l'évolution dans les 10 à 15 ans à venir des modèles phare rénovés à grands frais par des baby boomers qui ont tout eu, y compris la retraite et les moyens.
Peut-être aurons nous l'opportunité de retrouver des Maserati Ghibli, des Lamborghini Espada ou bien des Dino dans des fourchettes de prix qui donnent envie de s'en servir et non pas de les mettre sous cloche.
Bon salon a tous
Pascal B
Quintric (mercredi, 05 février 2020 13:47)
Alexandre
Vous ne m’aviez pas mis en garde à l’égard de Catawiki, Ste à éviter à tout prix car trop de surprises à l’arrivée ?
Très bon salon
Alain
David LEDRU (mercredi, 05 février 2020 20:57)
Alexandre. Bravo, encore une fois, pour la clartée de l'analyse. A bientôt.
Alain DAL FARRA (dimanche, 26 avril 2020 01:08)
Catawiki est un site à éviter pour les enchères d'anciennes.
Je n'ai jamais reçu les papiers d'un véhicule venant d'Italie du sud, le vendeur a reçu le montant de la vente, Catawiki sa commission et la voiture (Autobianchi Bianchina) toujours en Italie chez le vendeur.
La responsabilité que Catawiki ne veut pas assumer m'a mis dans cette situation.
Site à éviter pour la vente d'anciennes !
Alain
Nicolas Mondy (mercredi, 23 décembre 2020 14:42)
Très intéressant concernant les Xj220.