Et vous quel est votre plus grand plaisir automobile ?

Vector W8
Vector W8 -DR

Avant toute chose, un peu de légèreté : si le plaisir avait une unité de mesure, alors toutes les autos évoquées ici seraient ex-aequo. Pour la simple raison que nous avons chacun notre propre jauge ! Faut-il chercher à comparer ce qui avec le temps devient décalé et unique. Autant, lors de leur prime jeunesse, Triumph TR3, Mercedes 190 SL, Alfa Romeo GTV ou Alpine A310 avaient droit à une évaluation en bonne et due forme, à coup de débitmètre, sonomètre et autre. Autant un demi-siècle plus tard, il est vain de chercher à établir un classement. Car la seule jauge qui compte est désormais celle qui résonne quelque part dans les tréfonds de notre hypothalamus. Nous proposons ici une typologie émotionnelle dans laquelle chacun pourra reconnaître tout ou partie de situations automobiles déjà vécues… Vive la diversité automobile, et bonne lecture !


Celles qu’on admire sans y toucher : very bad trip ou intouchables ?

Lamborghini Countach LP400 S Turbo
Lamborghini Countach LP400 S Turbo © DR

Certaines autos font penser à cette fille avec laquelle toute la classe rêve de sortir et pourtant personne n’ose l’aborder… Stars des motor-shows, épinglées sur les murs des garages ou des chambres d’ados, ces Countach ou Testarossa, comme leurs descendantes à 8 pattes plus accessibles, confinent au rêve inaccessible. Même quand leur prix tutoie la ligne de crédit dont nous disposons, qui ose franchir le pas ? Ils ont pourtant dû être nombreux ces dix dernières années. Un petit retour en arrière, 2008 : Maserati Ghibli 1971 (59 000 €), Lamborghini Espada 1976 (23 000 €), Ferrari Dino 246 GT (104 500 €)… Fiction ? Non, simplement, des prix relevés lors de ventes aux enchères cette année-là.

 

Ferrari Testarossa
Ferrari Testarossa - © DR

C’est que vivre avec elles n’est pas une sinécure. Mais d’un engagement qui peut vite hypothéquer votre compte bancaire. Quoi que. Avec la spéculation qu’a connu le marché dans les années 2009-2015, il était techniquement possible, avec un peu d’agilité de mettre l’une d’elle dans son garage, tout en réalisant une belle plus-value sur le court terme. 

Mais toute flambée a sa fin, et malheureux aujourd’hui ceux qui ont achetés – tardivement – certains modèles à des cours hauts qui sont aujourd’hui divisés  (la Ferrari Testarossa en est l’exemple le plus symbolique).Incertitudes financières mises à part, pour celui qui veut véritablement rouler commence alors un autre périple. C’est que ce type de machine est en général voué au culte de l’endurance parking plus qu’à celui du brulage d’asphalte. Comprenez par-là qu’elles ont en général connu une première existence frivole, faite de virées nocturnes entre Riviera et bars, avant de tomber dans l’oubli d’un parking sécurisé pour se réveiller vingt ans plus tard.

Aston Martin V8 Vantage
Aston Martin V8 Vantage - © RM Auctions

Mais la belle n’aboie pas toujours en dormant. Et la mélodie du douze cylindres au réveil peut vite se muer en cacophonie. Passage obligé par un sorcier spécialiste pour remettre en ordre l’engin. Sortie de la mécanique obligatoire, remplacement des joints et nombreuses courroies, poulies corollaires et pompes grippées. Prévoyez le quart du budget d’achat de l’auto pour une sérieuse remise en service et vous serez proche de la vérité. Une fois ce sacrifice fait, viendra enfin le jour de la première grande sortie ! Et là, immanquablement, le compresseur de clim lâchera, votre âme-sœur vous maudira alors « ta bagnole, tu peux te la garder… ». Puis ce sera la boite à fusible qui se mettra à fumer comme un soir de 14 juillet, vous obligeant à un arrêt imprévu. Après une nuit d’hôtel romantique (sortie 28 bis sur l’Autoroute), la vision du camion d’assistance sur le parking vous réconfortera et fera oublier ces mésaventures.  A ce compte-là on comprend mieux que beaucoup de propriétaires ne roulent pas, et que leurs autos se muent en coffre-fort. Chacun son trip ! 


  • Vous êtes classique, la Ferrari Testarossa ou l’Aston Martin V8 vous iront comme un gant.
  • Vous êtes rebelle, domptez la Lamborghini Countach ou importez des USA une rare Vector W8.

Celles qu’on achète parce qu’il faut en avoir eu une : l’autobahn en 5ème est-il un long fleuve tranquille ?

Porsche 911 SC Targa
Porsche 911 SC Targa - © Porsche AG.

D’autres autos nous apportent l’espoir d’un monde meilleur. Celui où la peur de la panne n’existe plus. Ou le temps s’arrête le jour de la première livraison. Les plastiques ne se décolorent pas et le mobilier de bord reste aussi solide à 250 000 km qu’au premier jour. Bienvenue en Allemagne !

Les constructeurs d’outre-Rhin ont réussi, pour chaque type de modèle et chaque niveau de prix, à proposer des machines réellement abouties dans leur développement. Tant et si bien qu’elles sont devenues trois ou quatre décennies plus tard, des incontournables en collection.

Mercedes 300 CE
Mercedes 300 CE - © Mercedes-Benz

Si l’auto-émotion vous laisse de marbre, bienvenu dans le monde de l’auto-contrôle ! De la VW Golf (même pas GTi) à l’iconique 911, en passant par toutes les séries de Mercedes à W-3 chiffres et de BMW à E-2 chiffres vous ne ferez pas d’erreur. Audi et Opel ont également fourni de bons substituts, parfois avec quelques barroqueries intéressantes pour les plus aventureux… Ce sont des machines conçues comme telles, par des ingénieurs. 

Isdera Imperator 108i
Isdera Imperator 108i - © DR

Là où chez les voisins, le débat oscillait souvent entre stylistes, motoristes, ou intellectuels - parfois les trois– en Allemagne c’est souvent la fonctionnalité qui a dicté la solution, et l’ingénieur en charge du sujet qui a eu raison. Un ventilateur doit souffler de l’air pour refroidir, longtemps et sans faire sauter les fusibles. Un siège doit vous soutenir sans s’user et sans vous fatiguer. Le moteur doit pouvoir tourner à son régime maximum sans que l’aiguille du thermomètre ne se crispe dans le rouge. Et ainsi de suite. 

 

A ce jeu-là, le plus grand risque est de ne pas voir leurs défauts au moment de l’achat, aveuglé par la croyance en la toute puissante deutsche qualitat ! Aussi bien conçues soient-elles, elles subissent les affres du temps – mais différemment. Quelques maquillages viennent plus facilement rafraîchir une Porsche fatiguée qu’une Lancia ravagée. La galvanisation mieux appliquée, les matériaux mieux choisis, une implantation électrique dûment testée et validée, font que les autos allemandes peuvent mieux traverser le temps, et c’est encore plus criant des années 70 aux années 90. Car soyons honnête, dans les années 50-60 il y avait moins d’écarts de conception. Une Jaguar MK2 par exemple est une auto d’une qualité remarquable. Une Alfa Romeo Giulia ou une Lancia Flaminia – tôlerie mise à part – également. Une Peugeot 504 s’en sort aussi très bien.

Opel Monza GSE
Opel Monza GSE - © GM

  • Vous êtes traditionnel, alors la 911 type G vous comblera, tout comme une BMW série 3 e21. 
  • Vous êtes anti-conformiste, tentez une Isdera Imperator ou une Opel Monza !

Celles qu’on achète faute de mieux : auto masochisme ou farce tranquille ?

Citroën CX
Citroën CX - © Citroën

D’autres autos encore renvoient au mythe de la laideur apparente, derrière laquelle se cacherait une beauté d’âme incommensurable. Faut-il aimer aujourd’hui les Lancia Trévi, les Citroën CX, les Porsche 928 ou les Jaguar XJS ? Alors qu’ils étaient si peu à les aimer de leur vivant ? C’est qu’avec le temps la bizarrerie prend un délicieux parfum décalé.

 

Ces folies commises par de grands constructeurs ne se reproduiront plus. Jamais plus, plus jamais, … pourquoi ? Parce qu’il existe dans le process de décision d’un constructeur automobile actuel suffisamment de garde-fous pour éviter cela. De comités de style en comités de direction. De tests clients en tests cliniques. D’approbation par le board des actionnaires à celui des concessionnaires. L’auto-folie est une race éteinte. Définitivement !

Porsche 928
Porsche 928 - © DR

 

Et pourtant elles n’ont pas toutes joué un rôle semblable dans l’histoire de leurs fabricants respectifs. La CX ou la Trévi ont tracé la disparition de leurs géniteurs de la scène du haut de gamme.  La 928 a été un laboratoire roulant pour les GT modernes. 

Tandis que la XJS a enterré toutes ses rivales avec une production longue de 22 ans et 115 000 exemplaires vendus. Immanquablement vous éprouverez à leur volant une grande joie. D’abord celle de rouler différent des autres. Ensuite celle de découvrir des solutions techniques originales qui fonctionnaient plutôt bien : l’étonnante direction Diravi d’une CX ; l’équilibre parfait d’une 928 ‘transaxle’ ou l’absence totale de vibration d’une XJS V12 sont des expériences automobiles qu’il faut vivre ! Sans oublier la planche de bord « Emmental style » de la Trévi qui justifie à elle seule la voiture qui va autour…

Enfin vous ferez probablement une opération financièrement saine, à condition de partir sur un bel exemplaire, car l’époque est à la singularité. Et les collectionneurs prêts à l’assumer de plus en plus nombreux.

Mazda 929
Mazda 929 - © Mazda
Lancia Trevi
Lancia Trevi - © DR

  • Vous êtes sans complexe : une Citroën CX, une Mazda 929 Coupé ou une Rover SD1 vous amuseront.
  • Vous êtes décalé : une Tatra 603 avec son V8 refroidi par air monté en porte à faux arrière sera à la hauteur de votre originalité.

 

Celles qu’on achète sans souci du qu’en dira-t-on : est-ce pourtant si simple de se tromper ?

TVR 420 SEAC
TVR 420 SEAC - © DR

Dernière catégorie, nous entrons ici dans le monde de la recherche de l’originalité pour l’originalité. Des autos de l’extrême que l’on choisi uniquement pour ce qu’elles sont, par pour ce qu’elles représentent. Des autos destinées aux bagnolards invétérés ou aux bricoleurs confirmés. Le cumul des deux étant un avantage !

 

 

Maserati Biturbo Si
Maserati Biturbo Si - © DR

Maserati Biturbo, Lotus Esprit, TVR de tous bords, Excalibur, Aston Martin Lagonda sont des montures de choix.  En vétéranes de la panne fugitive, elles vous en feront voir de toutes les couleurs. A chaque mise en route ses aléas. La monotonie n’est pas de rigueur ! En plus vous circulerez en toute discrétion, leur notoriété étant infinitésimale. Entre deux contre-visites vous aurez tout le loisir de traquer la pièce manquante, histoire de parfaire la remise à niveau laborieusement entreprise par vos deux prédécesseurs. 

Matra Bagheera
Matra Bagheera - © DR

« Vendue à regret en l’état, faute de temps » - disait l’annonce…

Ces autos-tourments ont au moins une vertu : en vous souciant d’elles vous n’aurez pas le loisir de vous soucier du reste, rendant par là-même toute prise d’anxiolytiques superflue.

Lotus Esprit S2
Lotus Esprit S2 - © DR
Excalibur Phaeton Series IV
Excalibur Phaeton Series IV - © DR

  • Vous êtes ambitieux : une Lotus Esprit Turbo ou une Aston Martin Lagonda vous permettront d’aborder des problèmes automobiles de haute volée.
  • Vous êtes bluffeur : une Matra Bagheera ou une Marcos Mantula feront illusion sur la parking du Super U le jour du rassemblement.

L’automobile de collection offre aujourd’hui une extraordinaire palette de choix. Parce que nous pouvons acquérir des autos de générations aussi différentes que celles des années 50 aux années 80, témoignant à leur façon des avancées d’un secteur encore en phase de consolidation, aussi bien dans le domaine du style, de l’ingénierie, de la technique ou du marketing. Des époques de forts contrastes. Ou le grand écart était parfois de mise pour surprendre le public et ravir les parts de marchés. Pour notre plus grand bonheur, ces machines sont disponibles en plus ou moins grand nombre, et les faire rouler reste encore un acte raisonnable. Alors profitons-en. Bonne année automobile !

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Commentaires: 7
  • #1

    Jean-Yves RONDEAU (ex-B Turbo RL Fouquières) (samedi, 26 janvier 2019 09:34)

    J'éprouve décidément du plaisir à lire vos chroniques et je me dis que vous devriez en concevoir un petit mémento-recueil à l'usage des candidats à l'acquisition d'autos anciennes. Il est aisé aujourd'hui d'éditer un petit ouvrage et je le verrais bien en bonne place sur les présentoirs de la Librairie Passion Automobile par exemple au milieu d'ouvrages tous plus désirables les uns que les autres ou sur un stand au salon Rétromobile...
    Sur le fond, votre connaissance manifestement approfondie de l'automobile et votre talent pour en restituer un enseignement et des conseils avisés est vraiment un de vos points forts.
    Sur la forme, j'apprécie beaucoup le soin que vous apportez à la présentation. La lecture est aérée et aisée, entrecoupée de belles photos, jusqu'à la police des titres en rouge judicieusement choisie (claire et chic) qui me fait même penser aux publications de la banque suisse UBS.
    Bref, beaucoup de compliments !

  • #2

    Boos Christophe (samedi, 26 janvier 2019 10:00)

    Oui bravo pour vos analyses
    que je ne partage pas toujours totalement mais la subjectivité est de règle dans le milieu des passionnés mais qui sont parfaitement argumentées et empreintes de réalisme
    Si je suis d accord sur le plaisir incontestable de pouvoir rouler avec son objet de passion versus guetter un frémissement d’une versatile et hypothétique cote en tendant le dos pour que celui ci ne soit pas déjà avalé de manière anticipé par quelques mauvaises surprises que nous réserve une belle restée trop longtemps assoupie , je suis plus réservé sur le choix des modèles dont vous faites parfois la promotion parmi les classiques à budget raisonnable
    Mais en même temps ,absolument d’accord avec vous quand il s’agit de faire la promotion de certains modèles classiques Jaguar comme les XJS ou Mercedes comme les cabriolets 320 ou 430 que j ai possèdes et qui sont bluffants de fiabilité , d avance technologique , de beauté sobre et de fiabilité sans faille

    Continuez !

  • #3

    Guirao Alexandre (samedi, 26 janvier 2019 10:01)

    Merci pour cette suggestion @ JY Rondeau. J'espère que nous aurons l'occasion de faire connaissance prochainement.

  • #4

    Big Mat (vendredi, 01 février 2019 23:06)

    Magnifique article cher Alexandre, c’est toujours un plaisir de balayer en ta compagnie la diversité de l’histoire automobile des dernières décennies.

  • #5

    remy colinet (samedi, 16 mars 2019 16:11)

    J'avoue que c'est toujours avec bonheur que je lis toutes ces analyses.
    Cela dit, j'ai 53 ans, n'ais toujours roule qu'en ancienne, en "Youngtimer" de l'epoque (R8G, 504 cc ou DS), mais bon sang, jamais on ne parlait autant de potentielle plus value a l'epoque..... Aujourd'hui, j'ai dans mon garage des DS (toujours), Z3M, Ferrari, Chevrolet ou meme recemment une CX... Vais-je gagner ou perdre de l'argent le jour de la revente? Ce n'est pas vraiment pas le sujet, c'est comme une maison qui prend ou pas de la valeur... Tant que je ne vends pas, ca n'a aucune importance. Ce qui est sur, c'est que je prends autant mon pied a demarrer la Ferrari avec ses Tubi qu'a conduire l'AMI6 ou a m'ecalter avec le Diravi....

  • #6

    Nicolas Mondy (mercredi, 23 décembre 2020 13:21)

    Très bonne synthèse. Tellement de choix possibles et de pistes, de sensations différentes...
    Pour ma part, avec un faible pour les Allemandes, je n'ai jusqu'à présent pas connu ou acheté autre chose. (Risque limité que j'assume et que je n'ai pas choisi mais qui m'arrange bien. :)
    Mes rêves automobiles étant la w100 Mercedes Swb, à la vw coccinelle en strict état d'origine, en passant par la Porsche 959.

    Bien conscient de mon erreur et du fait que le fun réside presque exclusivement dans la conduite d'une Caterham, le confort d'une Anglaise de renom, ou dans la simplicité d'une populaire Française.

  • #7

    Nicolas Mondy (mercredi, 23 décembre 2020 14:10)

    La lancia Béta berline avait aussi ce tableau de bord, commune à la Trévi, amusant et unique à ce jour, qui me fascinaient. En terme de bilan général de fiabilité, c'était par contre, très mauvais.

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